Le calme au milieu de la tempête. (PV - Ryo)

Tant de destruction est un vrai régal pour les yeux, comme pour les oreilles. Chaque hurlement d'agonie résonne comme une symphonie grotesque, dont je suis la cheffe d'orchestre. Au hasard de mes pas, je découvre des corps figés dans des positions absurdes, ayant rencontré leur mort, le visage figé dans une dernière émotion de tristesse, comme si ils comprenaient que leur fin était venue. Une telle expression est plus gratifiante que n'importe quelle autre en ce bas monde, et la rencontrer partout où je met les pieds me remplis de joie. Un réel chaos, unique, infini, délicieux.

Et pourtant, comme un défi devant toute cette violence, un bâtiment reste relativement intacte, une espèce de tour, dominant la ville. allez savoir pourquoi, mais cet espèce d'étrange vision, au milieu des flammes, m'attire. le point de vue tout en haut doit être absolument divin ! Je m'y rends donc, déambulant au milieu des combats comme si de rien n'était, incarnation de la folie humaine, avant d'arriver à mon objectif. Je monte lentement, mais avec grâce, pour finalement arriver tout en haut de l'édifice. Pourtant, au lieu d'y trouver la vue que j'espérais, j'y vois un homme, assis. Vêtu étrangement, une épaisse fumée sortant de son corps, il me gène le passage. Je lui lance un regard méprisant, contenant toute l'aversion que j'éprouve à la vision de cette forme de vie inférieure.

"Hors de mon chemin, insecte. Je veux voir le spectacle en bas de mes propres yeux."

Telle est la règle avec les petits chiens. Si tu leur montre que la cheffe, c'est toi, alors ils fuient la queue entre les jambes. Nul doute que ce toutou fera la même chose. Et si il ne le fais pas... alors je devrais lui faire comprendre que je lui suis infiniment supérieure.

Lorsque les hostilité ont commencé, Ryo avait préféré éviter le cœur des combats, préférant trouver un endroit calme, depuis lequel il pouvait sentir l'ardeur des combats et s'en imprégner. Il a alors marché, fuyant les hommes comme une ombre fuyant le soleil, discrètement et agilement.. Sans que personne ne s'en rende compte, jusqu'à trouver cette tour.

"Je pense que les renforcés sont devenus fous. Je te l'avais dit, ce genre de pouvoirs, ça affecte aussi leurs mini-cerveaux de sangliers."

Les paroles de sa camarade psychée résonnent dans son crâne, sans pour autant l'affecter. Il se souvient lui avoir demandé ce qu'elle allait faire... Non pas qu'il s'inquiétait pour elle mais plutôt.. Parce qu'il avait envie de demander.

"Hein ? Tu crois que je vais me brider et laisser les autres s'amuser sans moi ? Si je peux casser quelques crânes alors je fonce haha !"

L'amitié entre les différentes maisons, l'amitié entre humains différents, qui pouvait y croire maintenant ? Le monde va seulement en déduire que les détenteurs de pouvoirs sont dangereux, qu'ils ne souhaitent que la destruction et pourtant... Ryo se souvient aussi des autres psychés, ceux dont on pouvait lire la peur sur le visage. La peur de mourir.

Tout en fixant cette tour, l'homme se demande si lui aussi pouvait avoir peur de mourir, si il pouvait voir cette fin autrement qu'une libération.
Une explosion destructrice souffle le toit d'un bâtiment proche, autant avancer.
L’intérieur de la tour est frais, bien loin de la chaleur générée par le chaos dehors. Il peut entendre les combats et les cris mais le son de ses pas claquant sur chacune des marches est bien plus fort et résonne.. jusqu'au sommet de l'édifice.

Arrivé en haut, il décide de s'asseoir sur la dernière marche, laissant sa brume tomber et s'écraser pathétiquement sur le sol pierreux avant de la regarder descendre les marches une à une, comme un flot haineux qui s'évanouit à la moindre lumière.
Il ferme les yeux et les brûlures semblent disparaître un instant.. un instant tellement court avant que l'irritante brume ne vienne caresser ses paupières pour briser l'espoir d'un sommeil réparateur.
Les cris deviennent des hurlements d'agonie, les images des combats se teintent de sang et les visages des morts défigurés viennent tourmenter son âme, comme des fantômes vengeurs...

Ryo a beau mettre ses mains devant ses yeux, devant ses oreilles, ça continue.
Il pourrait hurler mais il sait que ça n'arrêtera rien, que ça ne changera pas... car ça n'a jamais rien changé.
Et malgré toutes ces voix, il entend ces pas légers et agile, monter vers lui, pour lui rendre visite.

"Hors de mon chemin, insecte. Je veux voir le spectacle en bas de mes propres yeux."

La femme est apparue aussi vite qu'elle est montée. Une imposante silhouette se dresse maintenant devant l'homme assis, comme un dieu contemplant un sujet tellement dévoué qu'il en aurait perdu la raison.
Mais Ryo ne doit rien à personne, jamais il n'a jugé un autre responsable, il n'y a pas de responsable, certainement pas un dieu.

L’œil cerné du psyché rencontre le rouge brûlant de ceux de l'inconnue, aussi rouges que sa longue chevelure. Si on lui disait que cette personne n'était pas une déesse, Ryo n'y croirait surement pas, elle s'élève au dessus de son corps chétif et... Il aurait du mal à la comparer à qui que ce soit. La beauté compte peu pour un homme comme lui, seul le charisme peut le marquer.

Il se relève et une bouffée de brume s'écroule de ses vêtements pour se répandre sur le sol, semblant plus morte que libre.

"Si un insecte tombait de cette tour, il ne fait aucun doute qu'il survivrai à la chute."

Dit-il en fixant sa visiteuse dans ses yeux envoûtants.

"Ils sont si légers, l'air est comme un matelas pour eux... mais le vent un tsunami."

Il soupire, les pensées de cette femme, les raisons de sa présence ou même sa provocation à son égard... Rien de tout cela ne l’intéressait.

"Et toi ? Tu penses pouvoir survivre à la chute ?"

Et pourtant elle a une aura étrange qui le pousse à lui parler... Comme si il avait quelque chose à y gagner.

L'être qui me barre la route, au lieu de simplement se lever et me laisser passer, plante son étrange regard dans le mien. Cette lassitude, ce concentré de négatif, de fatigue, me laisse un instant surprise. Ce n'est pas une expression courante chez les humains. Il préfèrent fuir, ou simplement contester, mais pas juste... constater. Il faut dire que l'homme, aux vêtements négligés, et sans doute au cerveau endommagé par la brume qui semble omniprésente autour de son corps, n'est pas aussi anonyme et insipide que ces congénères aux capacités tellement insignifiantes. Un original... Je ne prendrai peut être pas autant de plaisir à l'écraser que les autres moucherons.

"Si un insecte tombait de cette tour, il ne fait aucun doute qu'il survivrai à la chute."

Je plisse des yeux, comme pour mieux comprendre sa phrase. Tout sonne comme une provocation, mais pourtant il ne s'échappe pas de lui la même attitude que celle d'un humain normal, qui ferait une provocation. Il serait en train de se préparer au combat, ou alors son immonde visage s'arborerait d'un sourire niais, ou encore les veines de son front ressortiraient sous l'effet de la colère... mais non, cet humain là semble étrangement calme.

"Ils sont si légers, l'air est comme un matelas pour eux... mais le vent un tsunami."

Je lâche un soupir, commençant à être lassée. Je n'ai eu ni la réaction que j'attendais, et je n'ai aucune envie d'avoir un exposé sur un sujet qui ne m’intéresse définitivement pas. Je ne peux pas l'éliminer, bien que je commence à en avoir envie... alors je hausse les épaules, et commence à reporter mon attention sur autre chose.

"Et toi ? Tu penses pouvoir survivre à la chute ?"

Je me reconcentre sur l'individu, sa question m'ayant procuré quelques frissons d’excitation. Oh, voilà bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas ! Pourtant, son regard reste morne, vide de vie et de sens.

"Quelle curieuse énigme... Tu n'est définitivement pas comme eux. Quel est ton secret, pour rester ainsi ? Tout homme possède des émotions, qui sont tellement bestiales... mais toi, je n'arrive pas à lire en toi. Je me demande même si ta mort me procurerai ne serai-ce qu'un semblant de plaisir..."

Je lui passe devant, avant d me pencher pour observer la ville en flammes, délicieux spectacle chaotique, me faisant momentanément oublier l'inconnu. Pourtant, sa question finit par me revenir en tête, inlassablement, comme une mouche qu'on chasse sans cesse.


"Une telle chute ne mettrais bien évidemment pas fin à ma vie... Des considérations aussi basses telles que ma vie et ma mort me sont bien évidemment étrangères. Je décide de qui vis, qui meurt... ma propre mort est donc impossible."

Je laisse mon regard se perdre dans les flammes, avant de retourner la tête vers l'individu.

"Tu es tellement insipide que je n'ai plus aucune envie de te tuer. Mais, si vraiment tu le désire, je peux faire un effort et te faire tomber, pour voir si un insecte comme toi pourrait survivre à la chute !"

Pour une fois, je fais preuve de bonté envers un inconnu. Il faut dire que son cas m'a vraiment intriguée.