Serait-ce le destin ? (feat. Sin Mori)

- Nous sommes dans le même camp ! Arrêtons de nous entre-tuer. Écoutez-moi !

Je criais tellement fort, les larmes aux yeux. Tout s'était passé si vite. Des explosions, des flammes, des cris, des lames qui s'entrechoquent et le chaos qui s'est ensuivi. Moi, j'étais au beau milieu de tout ça, je repoussais les renforcés qui tentaient de prendre ma vie comme d'un trophée de chasse. Je leur hurlais de s'arrêter, de discuter. Pourtant...

- Dans le même camp ? Vous avez tué deux des nôtres. Vous avez cherché la guerre, on vous l'a offert sur un plateau d'argent. Ne vous plaignez pas après, c'est idiot de votre part, équipé ! La mort vaut milles honneurs alors laisse-toi faire, ce sera rapide et sans douleur.

Leur regard, je ne ressentais que de la colère et... de l'amusement. Ils la voulaient cette guerre. Pourquoi ?

- Je ne veux pas être forcé de vous faire du mal. Je suis persuadé qu'il reste une parcelle de bon sens en vous ! Il suffit de m'écouter.

Leur ricanements présomptueux, fous, heureux, je ne comprenais rien à la situation. Avions-nous réellement brisé la trêve ? Impossible ! Personne ne veut d'une guerre ouverte. Et les civils, ils sont coincés entre nous. Il faut que ça cesse. Il faut que nous reprenions tous nos esprits.

- Comment veux-tu nous faire du mal ? Tu as vu combien nous sommes ? Allons-y les gars, faisons lui sa fête à ce ringard !

Les voilà qui foncent droit sur moi. Je ne peux les esquiver. Je dois... les tuer. Tout ce passe si vite, entre mes valses armées et mes roulades, leurs armes et leurs poings dirigés vers moi. Je prends sur moi, ce ne sont que des blessures après tout. Avec patience et concentration, les uns après les autres, tous s'écroulent face à moi. J'ai fait preuve de bestialité à la toute fin, embrochant mon interlocuteur dans le sol. Son sang giclait sur mon visage et je voyais rouge. Mes larmes étaient devenues pourpres et je tremblais tellement. Pourquoi en était-on venu jusqu'à ça ? Pourquoi !

- Comment as-tu pu ? Nous étions si... nombreux... comment.

Sa bouche se remplit de son sang et il s'étouffe. Il souffre par ma faute. Je n'ai même pas la force de retirer ma lance de son corps. C'est après de multiples efforts pour me calmer que j'y parvient avant de reprendre ma course vers la zone de ma maison. Sur le chemin, du coin de l'oeil, j'aperçois un étrange spectacle. Une mystérieuse jeune femme semble admirer le carnage et les bains de sangs qui font profusions tout autour. Elle sourit. Je ne peux que m'approcher d'elle avec réticence. Si jamais elle était mon ennemie ou une simple civile, je devrai faire preuve de force et de courage. Je ne peux tout de même pas blesser une fille.

- Mademoiselle, vous ne devriez pas être ici. C'est une zone dangereuse. Veuillez évacuer avant que vous ne soyez blessée !

Quel superbe spectacle.

tout autour de moi, des cris d'agonie résonnent. Chaque pas que je fais semble se coller dans une flaque de sang, et on pourrait tracer chacun de mes pas, les marques de mes talons ensanglantés laissant une piste morbide. Partout, des explosions, des chocs, des morceaux de bâtiments qui volent en éclat, des innocents exécutés, des aventuriers qui trouvent la mort.

Bref, le chaos.

Je déambule dans cette ville factice, comme l'incarnation de toute cette violence, l'allégorie des massacres. Une vision presque irréelle, tant mon sourire semble sincère, apaisé, et tant le monde semble bruler dans les flammes de la folie. Je ne croise que des visages apeurés, surpris, figés dans la mort, témoin de leur dernière émotion avant d'être embarqués dans le long couloir de la mort. Et je suis telle l'ange de la dévastation, comme inatteignable, inaccessible, irréelle, dans mon élément. Tant de mort ne peut que me satisfaire, venant abreuver mes pulsions, calmer mes ardentes envies, brulantes comme de l'acide. Ce que j'attendais depuis le début des jeux a enfin eu lieu, et je n'ai même pas eu besoin d'en être l'actrice. Quel doux plaisir pour les yeux.

Et pourtant, dans tout ce chaos, un homme m'interpelle. Jeune, la lance maculée de sang, il a l'air d'être un insecte s'étant lui aussi lancé dans la bataille. Et pourtant, il ne semble pas tirer plaisir du spectacle, d'avoir du tuer d'autres êtres inférieurs. Au contraire, voilà qu'il me lance, qu'il ose me lancer :

- Mademoiselle, vous ne devriez pas être ici. C'est une zone dangereuse. Veuillez évacuer avant que vous ne soyez blessée !

Je lui lance un regard empli de tout le mépris dont je suis capable, avant de daigner répondre :

"Je ne prends pas d'ordres d'un être inférieur. Et je suis tout à fait à ma place ici." Je me déride un peu, le plaisir de la destruction reprenant un peu le dessus, me tournant de nouveau vers la scène de chaos "N'es ce pas formidable ? Tant d'insectes s'entretuant, mettant fin à leurs vies, leurs rêves, tout ce qui les composait jusqu’à cet instant ? Ils seront tellement nombreux que leurs noms seront trainés dans la boue et oubliés, et cela, ils le réalisent tous juste avant de rendre leur dernier souffle. n'es-ce pas la sensation la plus jouissive au monde, celle de voir quelqu'un comprendre que c'est terminé, que tout ce qu'il a accompli n'a plus de sens, qu'il ne reviendra jamais ?" Je lui jette de nouveau un regard, me rappelant soudainement de la présence de l'insecte. "Je t'aurai bien fait gouter cette sensation moi même, mais je ne peux tuer, sous peine de perdre ma tête. Dommage..."

- Je ne suis pas sûr de bien comprendre. De quel insecte parlez-vous ? Pourquoi parler de ça ici et maintenant. La ville est en feu, les équipés et les renforcés s’entre-tuent. Je... j'ai dû prendre la vie de nombreux aventuriers pour survivre, tout ceci n'a rien de fabuleux, c'est la fin d'une paix établie il y a longtemps ! Je risque de me répéter, mais cet endroit n'est pas sûr, il faudrait bouger... ou nous risquerions de nous faire...

Je n'avais pas eu le temps de finir ma phrase qu'une flèche venait se loger dans ma cuisse gauche, m'obligeant à m'abaisser et à hurler de douleur. Mon regard se portait dans la direction d'où la flèche avait été tiré. Un horrible frisson d'horreur me parcourait quand je vis qu'il s'agissait d'un des membres de ma propre maison, un équipé. Pourquoi me faire ça ? Je ne comprenais pas.

- Traître tu pactises avec l'ennemi ! C'est une renforcée. Au lieu de la tuer, tu lui parles, tu es donc un traître pour nous. Meurs !

Je devais bouger, l'arrêter avant qu'il ne s'en prenne à la demoiselle. Je me voyais courir dans sa direction, parant ses flèches avec ma lance. Je me rapprochais qu'il chargeait une énergie de flammes dans sa prochaine flèche. Je ne pouvais plus reculer. J'ai fait ce que je devais faire pour ma survie et celle de la demoiselle. J'ai lancé ma lance droit sur mon frère d'armes, ne le laissant pas le temps d'esquiver. Le bruit notre combat avait fait écho et d'autres aventuriers accouraient pour se mêler à nous. Je peinais à récupérer ma lance quand je vis le marteau gigantesque s'abattre devant moi, écrasant la tête de mon compagnon mort. Je pouvais reprendre mon arme et faire face à mes assaillants. Équipés comme renforcés, ils étaient trop nombreux. Mais comme je l'ai toujours été, comme je l'ai toujours fait, j'ai fait ce que je devais faire, je me suis battu et j'ai tué. J'ai été blessé, mais j'ai continué de me tenir debout. Au final, il y avait tant de sang et de cadavre autour de nous, mais pour ne pas traumatiser la demoiselle, j'avais fait en sortir qu'il n'y ait aucune goutte de sang qui lui parvienne. Moi-même, j'étais devenu un monstre, mon corps tout entier respirait et inspirait la crainte tant le sang de mes frères se retrouvaient sur mes vêtements et ma peau. Je pleurais et j'hurlais de colère, je ne comprenais pas pourquoi tant de barbarie. Mon regard fut porté vers la jeune femme qui n'avait pas bougé d'un pouce pendant tout le combat.

- Comment pouvez-vous dire, après avoir vu ça, que c'est formidable ? Je ne peux pas comprendre que l'on puisse aimer être témoin d'un tel spectacle. Répondez-moi s'il vous plaît ! Je veux comprendre !

Je lui hurlais ces mots comme si tout était de sa faute alors qu'elle n'y était pour rien. Ma rage, ma détresse, ma... joie ? Se déversait comme si mon esprit avait craqué. Les paroles de mon oncle étaient bien loin dans un souvenir noir et tâché de sang. Je perdais ce qu'il me restait de logique. Je voulais comprendre. Mon regard devint insistant, fixant le visage de la jeune femme à l'attente d'une quelconque réponse. Je saignais, j'avais mal, les combats continuaient tout autour, mais moi, j'étais figé dans le temps avec cette jeune femme, je voulais savoir, connaître son avis. Tout le reste m'importait peu. C'était comme si il n'existait plus rien à part nous deux dans ce décor hallucinant. Mon coeur battait la chamade, car j'étais persuadé que ses paroles allaient me donner la réponse que je désirais tant.

- Dites-moi, car je veux savoir.

- Je ne suis pas sûr de bien comprendre. De quel insecte parlez-vous ? Pourquoi parler de ça ici et maintenant. La ville est en feu, les équipés et les renforcés s’entre-tuent. Je... j'ai dû prendre la vie de nombreux aventuriers pour survivre, tout ceci n'a rien de fabuleux, c'est la fin d'une paix établie il y a longtemps ! Je risque de me répéter, mais cet endroit n'est pas sûr, il faudrait bouger... ou nous risquerions de nous faire...

J'ai un soupir. Je suis tombé sur un philosophe, voilà bien ma veine. Je pourrai peut être l’exécuter, dans le chaos ambiant, ça ne se verrait pas ! Et ça serait plus simple, plus rapide. Mais a peine avais-je formulé cette pensée qu'une flèche vient se ficher dans la flèche du vermisseau, lui faisant ployer le genou. Oh, d'autres insectes viennent ennuyer le premier. J'ai un nouveau soupir. Cela promet un ennui mortel...

- Traître tu pactises avec l'ennemi ! C'est une renforcée. Au lieu de la tuer, tu lui parles, tu es donc un traître pour nous. Meurs !

Je hoche la tête négativement. Tels des petits chiens, ils attachent une importance à ces choses que sont les maisons. Ridicule. Une organisation n'est qu'une chose creuse si je ne la domine pas, c'est une évidence. Sans aucune déité pour les guider, ces petites larves resteront des larves pour toujours, ne constituant jamais leur cocon, pour devenir enfin une forme de vie potable. Les insectes se jetèrent l'un sur l'autre, entrant dans un combat meurtrier, alors que j'observe le combat, sceptique. Je comprends pourquoi les petites choses sont si fragiles, si ils ne cessent de se battre en eux pour des motifs aussi insignifiants. J'observe leur petit combat malgré tout, me régalant lorsque j'en vois un perdre la vie, son expression hébétée, comme perdue, me remplissant d'une grande satisfaction. Puis, finalement, après un laps de temps assez long, il n'en restait plus qu'un. Le vainqueur... Celui qui m'a interpellé. Il me lance un regard sanguin, comme perdu, et cette expression me fait frissonner de plaisir. Oh, le pauvre garçon semble perdu. Anéanti, tous ses rêves de gloire, tous ses espoirs. Il ne reste que le vide, la mort, le désespoir, et surtout, la fin. Le néant absolu. La fin de toute chose. Cette terrible impression de n'être rien, d'avoir une existence sans but, sans sens. Je veux qu'ils comprennent par ce moyen qu'ils sont tellement, tellement, inférieurs.

- Comment pouvez-vous dire, après avoir vu ça, que c'est formidable ? Je ne peux pas comprendre que l'on puisse aimer être témoin d'un tel spectacle. Répondez-moi s'il vous plaît ! Je veux comprendre ! Dites-moi, car je veux savoir.

Qu'y a t'il de non formidable dans un tel spectacle ? Qu'y a t'il de mal à voir les insectes s'entretuer, mettre fin à leur pitoyable existence ? Non, non. Il n'y a que du bien qui se déroule ici.

"Chaque seconde qui passe sonne le glas pour un être trop faible pour vaincre un de ses congénères. L'idée même que tous ces... nuisibles, ces insectes, ces êtres infiniment inférieurs, ces pierres sur mon chemin s'écrasent les unes contre les autres est une idée glorieuse ! Peut être est tu, toi aussi, trop limité pour comprendre. Mais maintenant que tu as tué, peut être peux tu ne serai-ce qu'entrevoir ce que je dis. Vous êtes tous tellement inférieurs, tellement insignifiants..."

Je hausse les épaules, frappée soudainement d'évidence.

"Je ne sais même pas pourquoi je t'en parle ! Les insectes ne comprennent jamais leur vrai rôle. Je te tuerai bien, mais je n'a pas le droit. Et, de toute façon, quelqu'un te tuera sans doute bien avant moi."

Ce n'était qu'une simple évocation de la vérité. Ce n'était qu'un insecte, il mourrait bien assez tôt. Éphémère, insignifiant, je n'ai qu'a tourner la tête pour l'oublier, comme on oublie la mouche qui vient vous ennuyer.

Moi, un insecte ? J'en perd le verbe. Dans toute cette infâme bataille, elle se permet de se croire supérieure à moi. Moi, je me bats pour ma survie, elle, elle ne fait rien. Qu'est-ce que j'en ai à faire finalement d'une sotte qui désire la mort. Je me mets à rire, la main sur le visage.

- Avant de me traiter de la sorte, regarde-toi. Tu peux me tuer, mais tu n'en as pas le droit. Quelle étrange princesse désinvolte ai-je dû croiser ? Moi, au moins, j'ai ma liberté. Si tu veux tuer des gens, fais-le ! On est en pleine guerre, la mort justifie les moyens. Regarde autour de toi, on baigne dans du sang humain, je viens de tuer cinq aventuriers devant toi ! Et toi, qu'est-ce que tu as à me raconter ? Que ce décor est magnifique, que tu te délectes du spectacle. Fais comme bon te sembles, moi... je...

Il n'en fallait pas plus pour un gugusse pour courir comme un demeuré dans ma direction, épée tendue vers l'avant. J'ai perdu mon sang-froid et à peine était-il à quelques mètres de moi que je lui tranchais les jambes, le faisant chuter devant moi. Il criait comme un imbécile en rageant, levant la tête vers moi en ouvrant la bouche pour m'invectiver, mais ma lame s'enfonçait déjà dans sa gorge.

- JE PARLE !

Encore heureux qu'il soit vivant, je le maintenais comme une brochette plantée dans le sol, des larmes coulaient de ses joues. Je me suis penché sur lui, le visage dévoré par un sourire navré et déçu. Ma main vint lui caresser sa joue droite, je poussais un soupire en reprenant.

- Tu sais, mon garçon, il est impoli d'interrompre une personne pendant qu'elle discute avec une autre. Votre stupide guerre m'exaspère. Au lieu de vivre ensemble, dans une convivialité, vous préférez laisser votre instinct primate prendre le dessus. Quand comprendrez-vous que nous, les équipés, seront toujours supérieurs à vous ? Nous avons toujours été les plus forts et nous le serons toujours même dans cent ans. À la fin de cette nuit, votre maison sera décimée et le monde vous oubliera. Je m'occuperai personnellement de traquer chacun d'entre vous jusqu'au dernier et... et...

Les larmes me viennent quand je me rends compte de ce que je suis en train de faire. Je relâche ma lance, la ressortant de sa bouche béante. Le renforcé s'écroule sur le dos en toussant du sang, cherchant son air. Était-ce sa faute ou la mienne. Je repense à la femme avec qui je parlais juste avant. Elle n'a fait que me regarder débiter mon chapelet maudit en prenant probablement plaisir. Je suis maudit, elle m'a maudit avec ses paroles. Cette guerre va faire de moi quelqu'un de méconnaissable. Pourtant... pourtant ça ne me dérange pas du tout. J'aime ça. Je me redresse en tournant sur moi-même pour emplir mes poumons de la fumée des incendies, laisser pénétrer dans mon crâne les hurlements lointains et les bruits de lames qui s'entrechoquent. J'essaie d'effacer le sourire qui se forme sur mon visage. Mes mains sont tâchées de sang, que je laisse s'imprégner dans les pores de ma peau quand je les déposent sur ma tête. Je reporte mon attention vers la jeune femme.

- Je crois que je commence à comprendre de quoi vous parliez. Le rouge sied parfaitement à votre robe de sang, princesse. Patientez un instant, je dois terminer ma petite besogne. Je pense que je pourrais en apprendre plus, sur ce côté vermeil de ma médaille, de votre bouche.

Je retourne chercher ma lance pour en finir avec cette idiot, couché au sol, en position fœtus. Je brandis ma lance vers le haut avant de la plonger vers lui, tranchant sa misérable tête. J'en termine en plantant ma lance dans le sol avant de prendre la tête, dégoulinante de sang, du moribond pour la fixer sur ma lame. Je m'accote dos à celle-ci, les bras croisés.

- Ça pourrait être amusant de tuer mes prochains adversaires avec la tête de leur propre frère d'armes... Je suis toute ouïe, désormais. Parlons-en plus en détail de votre vision du monde. Mais cessez de me traiter d'insecte, trouvez un terme plus acceptable, même si j'imagine que le simple fait de vous dire que j'ai un nom et que c'est Vincent ne vous intéresse pas le moindrement du monde, n'est-ce pas ? Je n'ai aucun problème à ce que vous surnommiez de telle sorte le monde entier, mais je ne suis pas le monde entier. Je ne suis pas un insecte, mais un prédateur. Vous pouvez m'appeler libellule ou coccinelle ou cafard ou n'importe quoi d'autre que simplement "insecte". Est-ce bien clair ? Après cette rectification, je serai plus porté à vous respecter. Alors qu'en dites-vous ? Princesse... hum ? Je pense que le terme Impératrice pourrait mieux vous convenir ? Impératrice... je ne vous ai toujours pas demandé votre nom, lady Impératrice inconnue.

La nuit sera longue et intéressante. Ce n'est que mon simple avis. Quel sera le sien ?